Douleur féline en partage
En souvenir de la chatte de mon grand-père
Pour s’être saoulées de luzernes
les brebis se sont endormies
la lune a fait taire la ferme
même les grillons se sont tus
sous les fleurs des légumineuses
ou sous les dômes de fourmis
toute la campagne est dormeuse
la nuit a sécrété ses toiles
comme une araignée à l’affut
le village est baigné d’étoiles
entre Véga et Bételgeuse
Dans l’écurie discret recoin
Inaccessible inattendu
vers la douce chaleur du foin
tassé sous les pierres des auges
qui sent bon le seigle moulu
la digitale et le colza
la fleur de mélisse et la sauge
l’entrée est réservée aux chats
C’est là à l’abri des regards
qu’elle a voulu donner naissance
à quatre délicieux petits
hors de portée des grands blafards
de leurs deux pattes leur violence
de leurs bâtisses leurs bâtons
c’est là qu’elle posé son nid
là qu’elle rêve en permanence
en ronronnant à l’unisson
avec quatre amas de poil gris
la vie est douce en leur présence
le paradis c’est mes chatons
L’allaitement fut réussi
ce sont vraiment des enfants sages
pourtant il a fallu sortir
les jours passent comme mirages
les petits ont beaucoup grossi
il est temps d’affronter l’orage
il faut quitter notre palais
vers les grands blafards et quérir
pitance pour les tout petitsp
our eux quelques lapées de lait
ou ces doux chatons vont mourir
Chez les blafards pas de clémence
seul importe l’appât du gain
à la ferme un seul chat suffit
point de lait et point de pitance
à des estomacs sans profit
sur la tête un coup de burin
et les petits chatons sont morts
la vache rumine en silence
les brebis sont indifférence
le regard rongé de remords
la chatte erre sur le purin
nul ne partage sa souffrance
Georges Friedenkraft (CMC, 2021, N0 7(2)
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