NOTRE SÉLECTION DE POÈMES : Chantal GODÉ-VICTOR
C'est un fruit mûr qui éclate
à la sève écarlate
sur la table de bois
près du couteau déposé
dehors la feuille bruit au milieu
de la nuit
c'est le rêve de l'arbre endormi
c'est la couleur de la noix
dont la coque se broie
en face de l'émoi
d'un jour encanaillé
Le gravier dans l'allée crisse
jusqu'au potager
Pour fixer les étoiles aux cheveux
de la nuit il faut lancer au ciel
des épingles de feu
et le silence tombe sur les planches
mouillées où le pas hasardeux
s'il n'y prend garde glisse
C'est la paix à grand prix
pour pouvoir s'endormir
quand hors les murs dérisoires
le monde insolemment
marche.
Chantal GODÉ-VICTOR
Ces heures ! A quoi bon nous complaire
à les regarder passer ?
Les couleurs de l'univers
sont plus belles que le cadran
de fer ou de cuir doré.
Dans la chambre à l'atmosphère
pâle l'œil s'est habitué
mais le cœur au loin préfère
s'embarquer.
Du rivage la mer s'éloigne
sans s'attarder
et les bateaux qui s'en vont
partent pour de longues années.
Que deviennent les étoiles
qui s'éteignent sans un bruit ?
Débattent-elles dans les cieux
dans le silence de leurs feux ?
Les révoltes et les années passent
tout se tait au crépuscule
Nulle place où se cacher
pour échapper à la fuite
des jours.
Chantal GODÉ-VICTOR
Le temps court sur mes genoux
et s'enroule autour de mon cou
Sur le mur s'ouvre une fissure
arrivera-t-elle jusqu'à nous ?
Dans la cabane de planches
les vieux outils sont à l'abri
Je n'y entre plus le dimanche
le cœur se complait dans l'oubli.
A chaque jour suffit la lampe
qui brille près de la croisée
Sa lumière est une onde blanche
plus fervente que la rosée.
Que me dit l'oiseau sur la branche
à chaque printemps égayé ?
Son chant efface mes nuits blanches
je redeviens jeune mariée.
Et je vois sur l'immense tranche
de ciel aux nuages éclatés
se répandre la rumeur étrange
de la lune au soleil mariée.
Chantal GODÉ-VICTOR
Calme douceur
Comme en une nacelle
Sous l'arc simple
L'âme pure s'éveille
Que parle l'heure
au cœur qui sommeille
Calme douceur
Me prend le corps
Et m'émerveille
Sous l'arc simple
Comme en une nacelle
S'élève l'âme
Jusqu'au ciel.
Chantal GODÉ-VICTOR
Un cheval qui se cabre
hors les fourrés touffus
et qui s'emballe ivre
- le naseau éclaté -
jusqu'en un précipice
Les prairies dévêtues
de leur douceur printanière
et qui oeuvrent en dames ferronnières
pour la senteur suave
de journées ordinaires
Le temps éclatant de l'homme
pris de pâleur
face à la gravité claquante et sonore
de l'heure
Pour goûter chaque jour à la beauté
il parle.
Chantal GODÉ-VICTOR
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