NOTRE SÉLECTION DE POÈMES : Nadia AGSOUS
Entre présence et absence
Égarée ?
Jetée hors du monde ?
Explusée hors de l’Histoire ?
Haaaaaaaaaa. Qui vous a raconté ces balivernes ?
Qui suis- je, vous demandez ?
Moi. Fil’Amène, fille du vent.
J’ai été sacrifiée. Oui.
J’ai disparu. Oui.
Mais soumise aux cinq hommes de l’ignominie ?
Jamais.
Entre ciel et terre, mon ombre erre.
Je passe. Je reste.
Je vais. Je viens.
Invisible et libre, je hante les lieux.
Je ris, je pleure sous des cieux silencieux.
Je suis en vous.
Je vous entends. Je vous vois.
Je suis à la fois présence et absence.
Je suis celle que les hommes ont voulu effacer.
Mais je reviens toujours.
Je suis omniprésente.
Moi. Fil’Amène, fille du vent.
Que vous le vouliez ou non.
Nadia AGSOUS
Retour à Dar el-Haïcha
Dans la maison macabre aux murs de sang.
À Dar el-Haïcha, lieu de mes souvenirs tragiques.
Dans la vaste cour, une fillette d'environ huit ans.
Rebelle. Contre l'injustice.
Ses yeux ont la couleur de mon malheur.
Son corps frêle et menu
J’avance dans le village. Jerôde dans la cour.
Invisible. Personne ne me voit.
Ma voix est éteinte. Personne ne m’entend.
Quand boirai-je dans la coupe de la vengeance ?
Fil’Amène, c’est ainsi que l’on me prénomme.
Amée, elle, s'appelle Amée.
Sur le mur,
Mon sang.
Trace de leur crime sur mon corps profané.
Empreinte des violences infligées aux femmes.
Emblème du salut de mes bourreaux ?
Retour.
À Dar el-Haïcha,
Maison des prières et des regrets mêlés
Nadia AGSOUS
Dire rien que dire
Sous le voile de son impuissance,
Il la regardait graver sa mort à l'encre noire sur les murs délavés de son existence.
Il entendait sa voix cendrée psalmodier l'épitaphe de ses jours en fuite.
Sa poupée somnambule !
Une ombre.
Créature vénale, reflet de ses divagations.
Ô Maison bleue,
Asile des laissés-pour-compte.
Lieu clos où l'on enferme les rebus du monde.
Lui, l’être étrange.
Avant l'adieu, il défia l'oubli immonde.
Silencieux et damné,
Il veilla à ce que l'histoire étouffée trouve une voix.
Avant la fin, dire.
Rien que dire.
Dire encore.
Pendant que la lumière blafarde de la nuit éclairait ses pensées,
Et que la lune exilée murmurait dans l'air vicié.
Nadia AGSOUS
Le printemps renaîtra de ses cendres
Autour de moi, le silence et l’obscurité.
Puis soudain, une main se pose sur mon épaule.
Petite, douce, réconfortante.
Devant mes yeux ébahis,
Un être géant ...
Grand Bonhomme vert
Enfant de Dieu en colère. Rebelle furieux.
Gardien des lieux.
Être de bonté et de miséricorde.
Dans cette maison du crime, peuplée d’âmes désarmées,
Lieu d’oubli et d’impunité,
Invisible, je reviens.
Le village tremble d’effroi.
La vengeance est aux portes de ce bourg sans foi ni loi.
Invisible, j’écris des mots nés des flammes de ma douleur,
Pour que mes bourreaux soient enfin punis,
Quand le printemps renaîtra de ses cendres.
Nadia AGSOUS
Écrivaine, journaliste et chroniqueuse littéraire franco-algérienne, Nadia AGSOUS explore les thèmes de la mémoire, de l’exil et de l’identité à travers ses écrits et ses émissions sur AlternaTV, tout en animant des rencontres littéraires et de lecture.
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Poèmes publiés sur le site internet lemanoirdespoetes.fr