Vingt chevaliers
Le ciel chauffé à blanc tremble sur la colline.
La poussière retombe doucement jusqu'au gué
Où vingt chevaliers francs
Attendent,
Immobiles.
Les grands chevaux de guerre piaffent sur les galets.
Les lances, les armures et les longs boucliers
Crépitent de soleil sans qu'on les voie bouger.
Ils ont des regards verts, gris, bleus, aciers.
Leurs visages sont purs, beaux, comme pétrifiés.
Sur la joue du plus jeune
Une larme descend.
Sa chevelure d'or brille dans le courant…
Soudain un hurlement, puis deux, puis trois, puis vingt.
Ils tirent leurs épées :
Un de leurs frères est mort, hier, sur le chemin…
Alors dans une gerbe
Immense
Étoilée,
Ils s'élancent,
Terribles,
Là-bas,
Pour le venger.
Christian WEISS
Rousse
Je connais une femme que la peau tachetée
Invite à picorer sans cesse de baisers.
Je connais une femme dont les cheveux de feu
Plongent en longues mèches
Dans le clair de ses yeux.
Je connais une femme lisse comme un reflet
Que le souffle du temps n'a jamais pu rider.
Je connais une femme, blanche, comme la neige
Et qui peut être fraîche
Comme elle peut brûler,
Mais de toute façon
Je sais qu'à la caresse,
Lentement,
Lentement,
Lentement,
Elle fond.
Christian WEISS
Soir d'été
Le soir en nappes rouges a coulé sur la ville
Quelques oiseaux tardifs frôlent en zigzagant
Une crête de toits sur l'horizon tranquille.
Etoiles et fenêtres se parlent en clignant.
Une dame promène son vieux chien, lentement.
Les rues bruissent encore et toujours sans raison
De disputes de couples ou bien de cris d'enfants.
Une voiture passe et donne du klaxon.
L'air est lourd et pesant et dans cette moiteur
Le clocher fatigué vient de sonner dix heures.
Puis les rumeurs s'apaisent et la ville s'endort,
Les postes de télé parlent un peu moins fort
Et le bruit des moteurs décline doucement.
Les chevaux de la nuit galopent droit devant.
Christian WEISS
Nonchalance
Allongé sur la pente herbue d'un fossé,
Les coudes dans le champ et les souliers dans l'eau,
Un petit garçon,
Blond,
Regarde par-dessus les blés.
Il pose doucement son menton sur ses mains.
Une sauterelle bondit.
Les blés chuintent lumineux et doux.
L'herbe est fraîche.
Un coquelicot effleure sa tempe.
Il a de l'or dans les cheveux, de la lumière au coin des yeux,
Un brin d'herbe entre les dents.
Il sourit.
Son regard monte, monte, bleu, et se perd dans le ciel d'été.
Très haut,
Très seul,
Un oiseau dessine la vie.
Christian WEISS
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